Martin Baes, un graveur flamand à Douai
On connaît peu de choses du graveur flamand Martin Baes si ce n'est les estampes variées qui illustrent près de 80 impressions du nord de la France, publiées dans la première moitié du XVIIe siècle.
Signées Martin Baes (ou encore Bas, Baas ou Bass) voire des simples monogrammes MB, elles sont particulièrement nombreuses dans les livres imprimés à Douai, ville où vécut Baes, au moins entre 1618 et 1631 ; des gravures de Martin Baes ont également été identifiées dans des impressions arrageoises, audomaroises, lilloises ou tournaisiennes. L’inventaire le plus complet qui en existe est dû au savant bibliographe Albert Labarre, même si Baes est par ailleurs évoqué dans la plupart des répertoires concernant les gravures hollandaise et flamande. Stylistiquement, Hollstein le rattache aux travaux des graveurs anversois Wierix et Waldor.
Les imprimeurs pour lesquels Baes a travaillé, illustrant leurs ouvrages de portraits, allégories, frontispices et titres gravés représentent la diversité de l’activité éditoriale douaisienne dans la première moitié du XVIIe siècle. On retrouve ainsi chronologiquement : Balthazar Bellère (1, 3, 11, 14 et 13), Charles Boscard (2), Jean Bogard (10), Marc Wyon (4), Laurent Kellam (5, 7), Gérard Pinchon (6), Pierre Auroy (8), Gérard Patté (9), Jean de Fampoux (12) et Pierre Bellère (15)
La Bibliothèque Marceline Desbordes-Valmore conserve, dans ses réserves, quelque 30 impressions douaisiennes illustrées par Baes ; elle en présente ici 15, du 2 mai au 2 juin 2012, en écho à l'exposition du Musée de la Chartreuse, consacrée au Baroque en Flandres.
L’identité du livre : le titre gravé
La présence de la page de titre est l’indice le plus éloquent de la naissance du livre moderne, peu à peu affranchi des conventions du livre manuscrit. Si la plupart des premiers imprimés du XVe siècle, connus sous le nom d’incunables, en sont dépourvus, les livres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle sont dotés d’une page où apparaissent à la fois leur contenu et les conditions de leur production.
La page de titre répond ainsi à une double fonction. Elle informe le lecteur au sujet de l’identité du livre : la longueur des titres, souvent explicative du contenu de l’ouvrage, les précisions données quant à la légitimité de l’auteur ou de l’imprimeur – qui est aussi souvent éditeur et libraire – constituent autant de garanties pour le lecteur et répondent à une logique de stratégie commerciale.
La seconde fonction de la page de titre est ornementale. Au XVIIe siècle, la mise en page de beaucoup de titres est d’abord une mise en scène, conforme à l’esthétique baroque, qui situe le texte dans un cadre monumental. Les figures des auteurs ou des protagonistes, des scènes extraites de l’ouvrage ornent comme des statues ou des bas-reliefs le décor architectural qui entoure le texte. La plupart des titres gravés de Martin Baes correspondent à cette syntaxe.
3. Jean Cassien.- Opera omnia.- Douai : Balthazar Bellère, 1616.- 8°
Les indices de la production du livre : le portrait et l’héraldique
L’ornementation des ouvrages anciens permet de trouver des indices concernant les conditions de leur production. Nous laisserons de côté les marques typographiques désignant le fabricant du livre et/ou son diffuseur ; elles sont très généralement absentes, à quelques exceptions près, de la production de Baes.
Si les portraits présents peuvent concerner le contenu de l’ouvrage (comme dans la pièce 8), ils sont majoritairement réservés aux auteurs du texte et parfois à ses illustrateurs ; ces témoignages tirés des livres illustrés sont parfois les seuls que nous possédions sur de nombreux personnages du passé.
Le dernier indice relatif à la production de l’ouvrage, fourni par le décor, est la présence d’éléments héraldiques, à la page de titre ou dans les pièces liminaires qui accompagnent l’ouvrage. Ces éléments nous renseignent sur le caractère officiel d’une publication ou sur la recherche d’une caution par l’auteur ou son imprimeur. Les exemples présentés ici concernent des dédicataires des oeuvres.
L’illustration du livre : l’exemple de l’allégorie
Son inspiration est majoritairement religieuse et s’enracine dans la Bible et la légende dorée. Mais il est aussi nourri de références gréco-latines et peut faire usage de proverbes de la sagesse populaire.
La production de Baes rejoint la tradition des livres d’emblèmes en vogue aux XVIe et XVIIe siècles, dont l’humaniste André Alciat (1492-1550) est considéré comme le créateur. Un livre d’emblèmes est constitué d’une suite de gravures allégoriques accompagnées d’un texte. On connaît au moins deux ouvrages que Baes a illustrés d’un cycle de 20 gravures